Quand l’Empire contre-attaque

Je viens de tomber sur une page Wikipedia qui serait assez amusante si elle n’était pas le symptôme d’une crispation de la réaction impériale catholique face aux petites églises et aux ordres de chevalerie n’acceptant pas de courber l’échine devant leur gourou.

Cette page visible ici est une jolie confection de mensonges, de sources réactionnaires (extrême-droite du début du 20e siècle ou de feuilles de chou catholiques), de demi-vérités tronquées, d’amalgames foireux et de proclamations catholiques pitoyables.

L’article tente maladroitement de parler des deux Ordres qui furent placés sous l’autorité de Mgr. Vilatte : l’Ordre de la Couronne d’Épines et l’Ordre du Lion et de la Croix Noire.

Pour rappel, l’Ordre de la Couronne d’Épines remonte, sous sa forme actuelle, au docteur et prêtre Gaston Fercken, qui présenta au Patriarche d’Antioche SB Pierre Ignace IV les statuts de l’ordre, que ce dernier approuva en 1880. Le but de cet Ordre : la défense de la Divinité de Notre Seigneur Jésus Christ en Orient comme en Occident. En mai 1892, Mgr. René Vilatte était consacré archevêque métropolitain pour l’Amérique par SG Julius 1er Alvarez, archevêque de Ceylan du Patriarcat d’Antioche. Le Patriarche Pierre IV conféra alors à celui-ci la Grande-Maîtrise de l’Ordre.

L’auteur de cette déplorable page commence très fort : « les ordres de Vilatte sont condamnés par le Vatican (Saint-Siège) et par l’Italie comme décorations illégales ». Nous ignorions que le Patriarcat d’Antioche devait alors rendre des comptes à l’évêque de Rome ou au gouvernement italien. Ce début donne le ton.

Car il continue in peto avec une déclaration de l’ICOC. Pour ceux qui ne connaîtraient pas, sous ces lettres se cache une boutique cathophile qui s’est arrogé les pouvoirs de décider qui est ou n’est pas valide dans des ordres de chevalerie qui ne regardent aucunement Rome ou leur petite personne. Ne tombons pas dans l’attaque facile, soulevons seulement le passé sulfureux de son fondateur, Mister Gayre. Qu’il nous suffise de dire que cette officine n’est pas la première à prétendre dire qui peut ou ne peut pas conférer la chevalerie. Selon eux seul un roi peut le faire (roi, masculin, blanc et catholique, à la limite orthodoxe, mais faut pas déconner non plus).

Donc, en guise de preuve massue, le contributeur Wikipedia nous assène une décision romaine et une autre issue d’une obscure association qui n’ont rien à faire dans cette galère. Mais soit, à chacun ses références.

L’auteur continue donc sur sa lancée et décrit les deux grandes fondations historiques de l’Ordre de l’Épine : celle de 1893, où il s’empresse de nous dire qu’il ne faut pas confondre les événements rapportés avec ceux des « martyrs chrétiens qui étaient des missionnaires catholiques relevant du vicariat du Sahara ». Cette seule phrase mérite déjà un Oscar, mais attendons la suite… Parlant donc de l’année 1891, il nous souligne bien que bien que fondée par Sa Béatitude Pierre IV, Patriarche d’Antioche, l’Ordre de la Couronne d’Épines ne peut être mise sur un pied d’égalité avec les ordres conférés par Sa Sainteté le Pape, diantre, ce pauvre Pierre IV n’ayant pas de souveraineté territoriale, il ne pouvait donc conférer un ordre de chevalerie, seule prérogative du grand pontife vaticanesque ! On en étoufferait de rire si cela n’était aussi pitoyable. Comment l’ICOC, qui s’arroge le droit de parler au nom du pape, peut-il juger de la puissance ecclésiale d’un Patriarcat ne relevant justement pas de leur big boss ? L’évitement de la souveraineté territoriale ne suffit pas à laver le contributeur de sa malhonnêteté profonde. Sa Béatitude Pierre IV avait autant de droits à conférer, transmettre et ordonner au sein d’un Ordre de Chevalerie que n’en a l’évêque de Rome (si l’on me permet de rappeler le faux de Constantin).

On pensait avoir tout lu, j’allais passer outre, lire quelque chose de plus léger, lorsque j’ai remarqué que l’article continuait avec l’Ordre du Lion et de la Croix Noire…

Là on arrive à une forme d’infection intellectuelle qui a souvent peu d’égales. En effet, l’honorable contributeur – on lui espère une lettre de bénédiction romaine pour cet acte – commence cette section par nous conter l’affaire Valensi qui avait défrayé la chronique dans les années… 1910 en France. Ce triste personnage contrefaisait des diplômes, des titres de chevaleries, des décorations qu’il vendait cher aux amateurs du genre. Et notre contributeur donc de mêler Mgr. Vilatte dans cette affaire. En effet, dans les nombreux ordres falsifiés par Valensi se trouvaient des documents de l’Ordre du Lion et de la Croix Noire signés par « Marie Timothée ». Et l’auteur de sauter à la conclusion – en nous citant des passages tronqués de feuilles de choux catholiques et réactionnaires – que Vilatte y participait ! Ben oui, si Valensi contrefaisait les signatures du Bey de Tunis, il se contentait de demander à Mgr. Vilatte de lui fournir sa caution pour son Ordre du Lion et de la Croix Noire. Quelle belle fausseté intellectuelle digne de ces grenouilles baveuses infectant les sacristies de Rome au Cap ! Il ne saute pas aux yeux de notre rédacteur monacal que Valensi a également trafiqué la signature de Mgr. Vilatte, pour preuve justement le fait que celui-ci a bien déclaré qu’il ne signait pas « Marie Tomothée », mais « Mar Timotheus », que le faussaire se soit trompé ne peut atteindre les brumes de l’esprit de notre rédacteur dont le but est tout autre. Commettre une confusion entre le faussaire et la victime permettant ainsi de charger Mgr. Vilatte sans en prendre l’air (voyez toutes mes références ! non nobis domine, non nobis…).

Suit alors une liste d’ordres humanitaires contrefaits en ajoutant cette fois à l’infamie du mensonge, celui de la diffamation pure et simple. Il ajoute, malicieusement, un court passage d’un article de Maurice Pujo, membre de l’Action française, fasciste avant l’heure, réactionnaire donc aux idées bien connues, mettant en lien la franc-maçonnerie, la traite de prostituées et Valensi, et donc Mgr. Vilatte. Ignoble petit crapaud infect ! Plumitif de sacristie ! Ta malhonnêteté est démasquée ! Car ce qui t’importe n’est pas la vérité, mais bien le venin répandu sur les innocents afin de servir tes causes papistes !

Valensi n’a jamais rencontré Vilatte. Mgr. Vilatte n’a jamais participé à cette fraude. Dans le cas contraire, prouve-le ! Mais de cela tu n’es pas plus capable que de choisir tes sources en dehors des remugles pouacreux de tes amis fascisoïdes du siècle dernier.

Bien sûr notre contributeur ne peut ensuite pas s’empêcher de citer un long passage sur les condamnations portées par les séides de l’évêque de Rome à l’encontre de ordres chrétiens qui se refusent à ramper sous ses mules papales. Avant de conclure par une magnifique gerbe signée Robert Gayre, vice-président de l’ICOC, mais surtout connu pour son passé tourbeux, lui qui se définissait comme un « strassériste ». Dont acte !

Ton article m’aurait fait rire grandement si dans la foulée tu n’avilissais pas la mémoire respectée de Mgr. Vilatte, si dans ta course folle de petit rapporteur de faussetés tu ne souillais l’Abbaye de San Luigi qui est le dépositaire actuel de ces ordres.

Et pour bien finir comme tu avais commencé, tu relies donc cette page d’infamies à celles des « titres frauduleux ». Petit paltoquet sans honneur ! Il te suffit de parler de chevalerie de loin pour nous démontrer ta petitesse, écrivaillon du dimanche qui cite fascistes et pronazis comme validation intellectuelle de ses coups de plume serviles.

Quand l’Empire contre-attaque, Tau Héliogabale, chevalier errant.

Image by blackrabbitkdj from Pixabay

2 réflexions au sujet de “Quand l’Empire contre-attaque…”

  1. Beau morceau de littérature ! Dont il me plaît, d’autant plus, de vous féliciter, que nous ne partageons (probablement…) pas, les mêmes orientations spirituelles ! Tout Chevalier peut conférer la Chevalerie, « c’est l’essence même de l’institution » (écrira Léon GAUTIER, le grand historien de la Chevalerie, dans son fameux ouvrage : « La Chevalerie », Ed. Pardès. GAUTIER qui recevra le Prix Gombert de l’Académie Française… La plus haute distinction, à laquelle puisse prétendre un historien ! ). Par conséquent, il n’appartient pas, à quelque Ordre que ce soit, de « monopoliser » cette investiture ! Comme il n’appartient pas, à une quelconque Eglise, de revendiquer la « propriété » de Dieu ! L’Eternel n’est pas plus enfermé dans telle ou telle sacristie, que la Chevalerie dans tel ou tel Ordre… Que l’Eglise romaine se soit arrogé le droit de « faire » des Chevaliers (vers le XIIème siècle – Rite de la « Bénédictio Novi Militis », autrefois inscrit au « Pontifical Romain ». Puis supprimé avec « Vatican II »… )… Que des Princes ou autres Souverains agirent de même (la Reine d’Angleterre -Elisabeth II- procède bien à des investitures par l’épée !)… bon ! DONT ACTE !… Il n’empêche que ce qui compte, ce qui doit prévaloir, ce sont NOS ACTES ! Qui demeurent… Le reste… passe ! Ayant reçu la Chevalerie il y a une trentaine d’années (dans sa forme laïque, puis catholique. Et dernièrement : Cosaque ! Tradition ukrainienne…). Ayant vu les crabes, les requins, les vautours et autres espèces de mauvais aloi, s’agiter autour de notre microcosme (je parle de la Chevalerie…) avec des yeux remplis de flammes (les flammes des bûchers !…), des yeux d’Inquisiteurs et des « fatwas » à la main, puis ayant observé, depuis quelques années, un certain apaisement (Continuer à attaquer -simple exemple- l’ORDRE DE SAINT LAZARE, quand le Comte de PARIS s’en proclame : « Protecteur », et que de nombreux Prélats -« vaticanesques »- lui prêtent leur concours…Cela devient plus difficile !), je me dis que le monde passe… Et que l’Apôtre PAUL (dans son Epitre aux Romains, chapitre 2…) a formulé, plus que jamais, des vérités essentielles ! A savoir que juger les autres, c’est se condamner soi-même !… Respectueusement et fraternellement votre, BARON D’AUZAT (Miles Christi).

    • Merci pour cette très belle réponse.
      Certains voudraient effectivement « capturer » la chevalerie come cela fut déjà fait par au Moyen-âge.
      Les actes, seuls les actes font le chevalier.

Les commentaires sont fermés.

Partagez
Tweetez
Enregistrer